Ce qui déclenche la tristesse
La perte déclenche la tristesse. Celle-ci dure plus ou moins longtemps, suivant le degré d'attachement à ce qui est perdu.
Parfois plusieurs types de pertes peuvent se combiner : lors d'un divorce par exemple, à la séparation s'ajoutent la perte d'objets investis affectivement comme le domicile, voire la perte d'un statut, le risque d'éloignement des enfants et l'atteinte à ses valeurs.
La tristesse fait partie des émotions universelles.
Les larmes ne sont pas qu'une réaction physiologique destinée à protéger nos yeux de trop de pression. (Ainsi, nous pleurons aussi quand nous éternuons quand nous ressentons une émotion forte comme de la tristesse, mais aussi de la joie ou de la colère) Comme les autres expressions du visage, elles permettent de communiquer avec autrui en signalant sa détresse, dans le but d’obtenir de l'aide et de la compassion. Les larmes auraient peut-être également, du point de vue chimique, une fonction de soulagement en évacuant des neurotransmetteurs ou des toxines.
L'expression de la tristesse
Comme la colère, la joie et la peur, la tristesse correspond à une expression faciale universelle, reconnue dans toutes les cultures et sur tous les continents : sourcils en oblique, rides du front en forme de fer à cheval, abaissement des commissures des lèvres.
À quoi sert la tristesse ?
La tristesse permet d’éviter les situations de perte qui la provoquent en prenant soin de son conjoint, de ses amis, en choisissant ses partenaires amoureux ou professionnels. Elle tient un rôle comparable à celui de la douleur : quand nous nous sommes fait mal, nous cherchons à éviter de répéter le comportement qui en est responsable (marqueurs somatiques).
La tristesse amène à se mettre en retrait et à réfléchir sur ses erreurs. La tristesse a pour conséquence universelle de se mettre en retrait. Cela permet de récupérer des forces et de réfléchir à la situation.
À noter que la tristesse doit être distincte de la dépression ou de la mélancolie (type sévère de dépression) car alors cette lucidité n'est pas tournée vers de nouvelles actions mieux calculées mais vers le renoncement et le désespoir.
La tristesse permet d'attirer l'attention et la sympathie d'autrui. Elle peut donner lieu à des réactions inattendues. Cependant, le soutien d'autrui ne va pas toujours de soi. Notre besoin de consolation n'est pas nécessairement rassasié. Il ne suffit pas toujours de pleurer pour être consolé, du moins sur la durée.
Ainsi, montrer de la souffrance peut susciter d'abord du réconfort et du soutien, puis la personne aidante peut se lasser. Un éloignement et une hostilité réciproque peuvent apparaître.
La tristesse est aujourd'hui moins visible en raison de l'isolement préexistant car les autres, les groupes sociaux sont moins présents autour d’un individu attristé. Il peut alors se produire un phénomène de spirale, où la tristesse va l’isoler davantage.
La tristesse protège momentanément de l'agressivité des autres
La manifestation de la tristesse peut être un signe supplémentaire que la personne sait qu’elle a perdu. Elle peut même aboutir à une discussion au lieu de rester dans le conflit. La tristesse, comme la colère, est d’ailleurs considérée par les éthologues comme un comportement rituel, les combats ayant pour but de maintenir ou d'élever son statut et non de détruire l'autre. Il s'agit alors d'éviter les dommages sérieux avec des rituels de soumission : attitude humble, dos voûté, évitement du contact visuel, cris de détresse ou pleurs. Ces comportements indiquent la fin du conflit et établissent clairement aux yeux des autres qui est le vainqueur et qui est le vaincu.
Or, il arrive que les coups (physiques et/ou psychologiques) continuent et que la situation prenne la forme d’un harcèlement. Malgré les signes de soumission et d’abattement de la ou les personne.s qui en est/sont victime.s, les brimades et les humiliations se multiplient de la part du ou des agresseur.s. Ce point sera développé à l’occasion d’une autre publication.
A noter que certaines pratiques comme des sports de combat (boxe, lutte) ou les arts martiaux (judo, karaté) reproduisent des comportements de conflits ritualisés permettant de limiter les coups autorisés et signaler l’arrêt du combat.
La tristesse éprouvée développe la sympathie et l'empathie envers la tristesse des autres
Dans certaines cultures, il n'est pas fait mention de la tristesse au sens général mais des mots différents sont utilisés suivant l'origine de la souffrance (mort d'un proche, maladie, amour déçu, solitude, etc.).
La tristesse est souvent associée à la vulnérabilité. Suivant la culture, elle peut être tolérée chez les femmes et les enfants seulement. Ou encore, elle est peut être exprimée dans la chanson et la poésie, mais dans la vie quotidienne, il peut être mieux vu de réagir à une perte par la colère. L’analyse transactionnelle distingue alors l’émotion authentique (la tristesse) de l’émotion parasite (la colère).
De même, dans certaines cultures européennes à partir du début du XIXe siècle, les larmes sont dévalorisées chez l'homme au profit d'un idéal de contrôle de soi.
Les notions de sympathie et d’empathie sont proches mais différentes. L’empathie permet de comprendre la tristesse et ses causes. La sympathie est plus englobante et sera d’autant plus présente que la personne attristée est proche car alors nous partageons la tristesse et nous nous identifions aux personnes directement concernées.
Une situation particulière : la tristesse et son expression pendant un deuil
Petit à petit, la pratique des « pleureuses » a disparu le jour des obsèques. Il est également bien vu de rapidement passer à autre chose. L’expression de la tristesse plusieurs mois après le décès d’un proche peut être mal perçue, voire considérée comme pathologique.
Le déroulement d’un deuil suite au décès d’un proche varie suivant sa sensibilité personnelle, les circonstances du décès, l’intensité et la durée de la relation avec le/la défunt.e, la complexité des émotions ressenties auparavant envers la personne disparue et aussi suivant le soutien des autres à cette occasion.
Distinction entre la tristesse et la dépression
La tristesse est une émotion universelle, transitoire et variable, avec un impact physique limité et passager, où la vision de soi n’est pas ou peu impactée. Elle est améliorée par des évènements agréables.
Au contraire, la dépression est un trouble pathologique qui s’inscrit dans la durée, qui perturbe notamment le sommeil et l’appétit, qui s’appuie sur une image négative durable de soi et qui est peu sensible aux évènements agréables.
La dépression est durable, tenace, intense et cumule une vision négative, de soi, de l’avenir et du monde.
De point de vue de la psychanalyse, la tristesse et la colère sont présentes ensemble dans la dépression. C’est alors un processus inconscient par lequel la colère contre l’objet perdu est refoulée et détournée contre soi sous forme d’auto-accusations voire de suicide.
La dépression peut également se manifester également par une autre émotion : le dégoût. Or, le dégoût est à l’origine une réaction physique de rejet visant à se protéger contre ce qui peut provoquer des maladies ou des empoisonnements. Le dégoût, tel qu’il est entendu ici, peut aussi s’exprimer face à des personnes ou des comportements.
Certains chercheurs estiment que la dépression associe plutôt tristesse et dégoût (de soi) que tristesse et colère.
C’est compliqué : la tristesse peut être associée à d’autres émotions ou sentiments.
Ce qui complique le diagnostic, c’est que la tristesse est souvent éprouvée en même temps que d’autres émotions ou sentiments. En analyse transactionnelle, quatre émotions de base sont identifiées : peur, joie, colère et tristesse. Les autres sentiments, plus élaborés, dérivent de ces émotions de base (honte, culpabilité, jalousie, envie, etc.)
Ainsi, lors d’une rupture amoureuse, la personne peut éprouver de la tristesse, mais aussi par exemple de l’anxiété (face à un avenir incertain et perçu comme hostile), de la colère (envers l’autre personne, estimée responsable de la situation), de la nostalgie (du bonheur perdu), du dégoût (envers soi et les autres) et de la honte (envers soi).
Un accompagnement psychologique peut s’avérer nécessaire pour démêler tout cela.
Comment « gérer » la tristesse ?
La tristesse peut entrainer de l’inhibition, des ruminations, de la lassitude (de la part des autres aussi), de la vulnérabilité et une sensibilité particulière, le tout perçu comme excessif et source de faiblesse.
Accepter d’être triste, c’est commencer à prendre en compte la réalité de la situation et faire preuve d’humilité. Un être humain est sensible.
Continuer à agir, même si ses actions sont moindres, même si son attention est perturbée. Petit à petit, l’énergie et la motivation, les sensations agréables reviennent.
Être attentif à pas confondre le regain d’énergie avec l’agitation qui finit au contraire par épuiser.
Rechercher les évènements ou les activités habituellement agréables. Le soutien social est important.
Prendre le temps de prendre contact, de ressentir et de nommer les émotions qui nous traversent auprès de personnes de confiance.
Isabelle Trébucq, psychopraticienne
Novembre 2024
Source : « La force des émotions » par François Lelord et Christophe André, 2001
Source image : Fiche PDF Le journal de l'animation octobre 2013
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