EMDR
"Eye Movement Desensitization and Reprocessing"
Intégration neuro-émotionnelle par le mouvement des yeux
Généralement utilisé pour un traumatisme unique : accident, agression, deuil..., l'EMDR donne également d'excellents résultats sur les blocages émotionnels, les comportements compulsifs, les peurs, le manque de confiance en soi...
C’est une méthode créée aux États-Unis dans les années 1980 par Francine Shapiro, Ph D et psychologue, popularisée en France dans les années 1990 notamment par David Servan-Schreiber.
Les évènements très douloureux laissent une trace profonde dans notre cerveau. Lorsque les personnes en état de stress post-traumatique essaient de raconter ce qu’il leur est arrivé, certaines zones spécifiques de leur cerveau sont activées (l’amygdale, noyau reptilien de la peur) et d’autres non (l’aire de Broca, zone de l’expression du langage) pendant cet état de terreur ravivée.
Ces cicatrices laissées dans le cerveau ne s’effacent pas facilement. Les personnes ont parfois des symptômes des années après. Elles savent bien que l’évènement traumatisant (guerre, déportation, agression) est terminée mais elles ne le ressentent pas.
Pas besoin d’avoir subi un Traumatisme avec un grand T, cela concerne aussi les multiples traumatismes avec un petit t (humiliations, fausse couche, licenciement, divorce, décès d’un proche).
Tout se passe comme si la partie cognitive du cerveau qui détient toutes les informations appropriées ne rentre pas en contact avec la partie émotionnelle du cerveau marquée par le traumatisme.
Par exemple, l’homme qui a eu un accident de voiture continue à se sentir inconfortable et tendu lorsqu’il prend l’autoroute alors qu’il emprunte ce chemin depuis des années sans problème.
Les cicatrices émotionnelles du cerveau limbique semblent toujours prêtes à se manifester dès que la vigilance du cerveau cognitif et sa capacité de contrôle fléchissent, même temporairement (alcool, fatigue, distraction).
En séance d’EMDR, d’abord la personne raconte la scène la plus représentative du traumatisme, puis le thérapeute lui demande de suivre des yeux sa main qui se déplace de gauche à droite devant ses yeux. Cela provoque des mouvements oculaires rapides semblables à ceux qui ont lieu spontanément pendant les rêves. Le souvenir est aussi imprimé dans tout le corps.
Au fur et à mesure du traitement par les mouvements des yeux, les émotions changent, l’attitude change, le discours change, l’image change, elle disparaît ou elle est remplacée par une autre, tout cela dans un sens plus calme et positif.
L’idée de départ en EMDR est qu’il existe en chacun de nous un mécanisme de « digestion » des traumatismes. C’est le « système adaptatif de traitement de l’information ».
Nous faisons tous l’expérience de traumatismes avec un petit t.
Par exemple, je prends mon scooter pour la première fois, je longe des voitures à l’arrêt quand patatras, une portière s’ouvre devant moi. Je ne peux pas l’éviter et je suis blessée lors de la collision. Pendant quelques jours, outre les bleus, je pense à cet accident à des moments parfois inattendus, j’en rêve la nuit et je n’ai plus le même plaisir à rouler avec mon scooter. Je me demande même si finalement ça n’est pas trop dangereux. Une semaine plus tard pourtant, les bleus ont disparu, toutes ces pensées sont oubliées et je repars de plus belle sur mon scooter, mais en faisant attention quand je longe des voitures et en maintenant la distance d’une portière ouverte. Bref, l’incident a été digéré. J’ai gardé ce qu’il est utile de retenir et les émotions et les cauchemars ont disparu.
Mais il arrive que le système soit submergé parce que le traumatisme est trop fort ou parce que nous sommes vulnérables. L’évènement devient traumatisant au plein sens du terme.
Selon la théorie de l’EMDR, l’information concernant le traumatisme, au lieu d’être digérée, est alors bloquée dans le système nerveux dans sa forme initiale.
Les images, les pensées, les sons, les odeurs, les émotions, les sensations corporelles et les convictions que l’on en a tiré pour soi (« je ne peux rien faire, je vais être abandonnée ») sont alors stockés dans un réseau de neurones qui mène sa propre vie.
Ancré dans le cerveau émotionnel, déconnecté des connaissances rationnelles, ce réseau devient un paquet d’information non traité et dysfonctionnel que le moindre rappel du traumatisme initial suffit à réactiver.
L’accès au souvenir dans le cerveau se fait par analogie : il peut être stimulé à partir de n’importe lequel de ses composants. A cause de ces propriétés, n’importe quel son, odeur, émotion, pensée, sensation physique rappelle l’expérience traumatique en totalité.
La force de l’EMDR est qu’elle évoque d’abord le souvenir traumatique avec toutes ses composantes (visuelle, émotionnelle, cognitive et physique), puis elle stimule le « système adaptatif de traitement de l’information » qui n’a pas réussi jusque là à digérer l’empreinte dysfonctionnelle.
Les mouvements oculaires assistent le système naturel de guérison du cerveau pour qu’il termine ce qu’il n’a pas pu faire sans aide extérieure.
Pendant les mouvements oculaires, les patients associent librement, en fait ils traversent tout un réseau de souvenirs.
Souvent, ils commencent par d’autres scènes reliés au souvenir traumatique, parce qu’elles sont de même nature (scène d’humiliation publique par ex) ou parce qu’elles sollicitent les mêmes émotions (sentiment d’impuissance par ex).
Il leur arrive souvent d’éprouver de fortes émotions qui remontent rapidement à la surface même si elles avaient été ignorées jusque là.
Les mouvements oculaires facilitent l’accès aux canaux d’associations connectés au souvenir traumatique ciblé par le traitement. Au fur et à mesure que ces canaux sont activés, il sont connectés aux réseaux cognitifs qui contiennent l’information ancrée dans le présent.
C’est grâce à cette connexion que la perspective de l’adulte qui n’est plus aujourd’hui ni impuissant ni soumis aux dangers du passé, prend pied dans le cerveau émotionnel. Elle peut alors y remplacer l’empreinte neurologique de la peur ou du désespoir. Et lorsqu’elle est remplacée, elle l’est complètement, à telle point qu’on voit une nouvelle personne émerger.
Pendant la séance d’EMDR, le traitement continue de la même manière, aussi longtemps que le patient ressent des transformations intérieures, traversant ainsi toutes les étapes du deuil. A la fin, le souvenir traumatique peut être observé sans émotion, il a perdu de sa force.
Il n’y a pas que l’ESPT (état de stress post traumatique) qui nécessite de rechercher des évènements passés qui ont laissé des cicatrices émotionnelles qui font encore souffrir. C’est le cas aussi des dépressions et de l’anxiété.
L’EMDR n’est pas aussi efficace quand les symptômes n’ont pas leur origine dans des souvenirs traumatisants du passé.
Elle n’est pas indiqué non plus pour les dépressions d’origine organique, les psychoses ou les démences.
Source : « Guérir » de David Servan-Schreiber, Éditions Robert Laffont, 2003